Le quatrième « mot de passe », le plus habituel et sans doute le plus difficile, pour ouvrir et pénétrer les évangiles, est celui de « Jésus de Nazareth »...
« Jésus revint en Galilée […]. Il enseignait dans leurs synagogues […]. » (Lc 4,14-15)
Le quatrième « mot de passe », le plus habituel et sans doute le plus difficile, pour ouvrir et pénétrer les évangiles, est celui de « Jésus de Nazareth ».
On aurait pu commencer par ce mot. N’est-ce pas celui que les chrétiens utilisent le plus communément, et souvent en oubliant les autres ? Qu’en est-il du personnage historique de Jésus, cet ouvrier travaillant à Nazareth, devenu annonceur du Royaume de Dieu ?
Il y a deux manières habituelles d’interroger les évangiles : retrouver le visage du Nazaréen et chercher des conseils ou repères pour la vie chrétienne. Avec les « mots de passe », la lecture s’enrichit car la foi chrétienne les enveloppe entièrement. Ils disent l’expérience pascale des disciples, leur réponse aux préoccupations des premières communautés chrétiennes, leur tentative de montrer la cohérence entre la foi nouvelle et les Écritures, mais plus encore comment les Écritures s’accomplissent en Jésus, crucifié et ressuscité, présent au milieu de ses disciples.
Le Jésus d’avant Pâques
À quel point peut-on faire confiance aux évangiles sur leur présentation de Jésus de Nazareth avant Pâques ? En effet, Pâques change tout dans le regard des disciples et la mise en scène de Jésus par les évangélistes s’en ressent fortement : il s’agit maintenant pour eux de parler du Ressuscité et des disciples chargés de répandre l’Évangile. Sommes-nous devant le « vrai » Jésus historique ? Son portrait n’a-t-il pas été déformé, arrangé, pour correspondre à la foi pascale ?
Si les évangiles partent de la foi au Ressuscité et relisent la vie et le message de Jésus pour témoigner de cette foi, en les organisant, en les mettant en scène, si les évangiles sont le reflet des questions des premières communautés chrétiennes et des réponses qu’elles y ont apportées, s’ils entendent démontrer que tout ce qui se passe avec Jésus – la Croix et Pâques – accomplit les Écritures, on peut se demander quel espace il leur reste pour parler de Jésus « le charpentier, le fils de Marie » (Mc 6,3), bref le personnage de l’histoire.
Sans Jésus de Nazareth, pas d’évangiles
Bien sûr, ceux qui ont façonné les évangiles veulent faire partager leur foi au Ressuscité. Mais cette foi est incompréhensible sans ses racines. Le Ressuscité est bien Jésus de Nazareth, mort en Judée il y a environ deux mille ans, même si Pâques a tout changé, tout expliqué, tout coloré. Les évangiles peuvent nous renseigner sur lui.
La foi ne serait pas possible si l’existence humaine de Jésus n’était qu’un leurre. Les évangélistes entendent bien informer leurs destinataires sur Jésus de Nazareth, sur son enseignement, ses activités, sa personnalité, sa façon de se comporter dans la société où il était inséré. Comment les chrétiens pourraient-ils connaître et aimer leur Seigneur de gloire s’ils ignoraient tout de l’homme Jésus ? Les évangiles nous font entrer dans l’intimité du Nazaréen qui, après une vie professionnelle, s’est entièrement consacré à l’annonce du Règne de Dieu. Grâce aux évangiles, nous apprenons sa fidélité sans faille à Dieu. Dans les évangiles, nous le « touchons du doigt ».
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© Marc Sevin, Cahier Évangile n° 169, Mots de passe pour les Évangiles, p. 30-31.