Comment découper le livre d'Isaïe ? Le parti pris de cette étude est de privilégier les indices présents dans le texte lui-même...

Longtemps l’étude du livre fut organisée en fonction de critères relevant de l’histoire supposée de sa rédaction : Proto-Isaïe (1–39), Deutéro-Isaïe (40–55) et, éventuellement, Trito–Isaïe (56-66). À la suite d’un certain nombre d’auteurs contemporains, le parti pris de cette étude est de privilégier les indices de découpage présents dans le texte lui-même.

Le livre ouvre sur un titre : " Vision d’Isaïe, fils d’Amoç, … " (1,1). On retrouve ce titre à quelques nuances près en 2,1 et 13,1. Enfin, au chap. 2, entre les verets 5 et 6, il se produit un brusque revirement de ton et de style. Trois ensembles peuvent ainsi être définis que nous désignons respectivement sous les titres suivants :
- Panorama inaugural (1,1 – 2,5)
- Vision inaugurale (2,1 – 2,5)
- Présentation (1,1 – 12,6)

Le Panorama inaugural (1,1 – 2,5) constitue une manière d’introduction au projet isaïen, tandis que la Présentation offre un deuxième sas initiatique permettant au lecteur d’y apprendre comme une grammaire à l’usage de l’ensemble du livre.

Ce sont également les indices textuels qui ont conduit à une partition du livre en deux ensembles de tailles équivalentes : 1–33 et 34–66. En effet, à la fin du chap. 33, se trouve une sorte de profession de foi : " Oui, YHWH notre juge, il est notre législateur. YHWH notre roi, c’est lui qui nous sauve ", qui renvoie à la fois au premier verset du livre et à la conclusion de la Présentation indiquant comme un point d’orgue. De plus, au début du chapitre suivant, l’appel solennel à écouter rappelle l’ouverture du Panorama inaugural. Ce parallèle avec le Panorama inaugural se confirme dans la suite du chapitre en raison de la similitude des thèmes abordés et du vocabulaire employé.

De la sorte, les ch. 36–39 longtemps considérés comme une sorte d’épilogue historique accolé au Proto-Isaïe constitue plutôt un important prologue historique à la deuxième partie du livre, le faux-pas d’Ézékias permettant un renouvellement radical du plan divin de salut. Dans les chapitres 40–53, le mot " serviteur " revient à vingt reprises et toujours au singulier. En revanche à partir du chap. 54, le mot " serviteur " figure uniquement au pluriel tandis que la " maison " de YhwH revient sur le devant de la scène. On peut ainsi dégager deux cycles :
• le cycle du Serviteur qui se termine avec l’apparition de sa descendance et le renouvellement à son profit des bienfaits de David (40–55)
• le cycle de la maison nouvelle dont les serviteurs assurent le rayonnement parmi les nations (56–66).


© Dominique Janthial, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 142 (décembre 2007), "Le livre d'Isaïe ou la fidélité de Dieu à la maison de David",  p. 13 (encadré).