Divers éditeurs mettent à leur catalogue de bons ouvrages pour aider la lecture de la Bible...

On peut se réjouir : divers éditeurs qui ne sont pas tous spécialistes du domaine religieux mettent à leur catalogue de bons ouvrages pour aider la lecture de la Bible, signe que celle-ci est désormais un livre parmi d’autres, mais un livre marquant, « à part ». On peut aussi s’interroger : lire la Bible est-il si difficile ? Faut-il voir dans la multiplicité des ouvrages l’indice d’un malaise ? La Bible serait trop imposante, trop chargée d’histoire et d’interprétations. Le titre d’un ouvrage récent – qui est plus qu’une introduction – parle de livre « scellé ». Si la Réforme a pu rêver d’un contact direct entre le lecteur et les Écritures, ce n’est pratiquement plus le cas. Paradoxalement, des ouvrages récents promeuvent ce contact. En voici quelques-uns qui envisagent toute la Bible.

   Liste des ouvragés présentés ci-dessous :

1 - Christine Pellistrandi, Henry de Villefranche, La Bible
« Pratique », Eyrolles, Paris, 2010, 190 p., 10 €
2 - Pierre Gibert, Comment la Bible fut écrite. Introduction à l’Ancien et au Nouveau Testament
Bayard, Montrouge, 2011, 162 p., 16 € 
3 - Michel Quesnel, Premières questions sur la Bible
Desclée de Brouwer, Paris, 2010, 157 p., 15 €
4 - Valérie Duval-Poujol, 10 clés pour comprendre la Bible
Éd. Empreinte-Temps présent, Paris, (2004) 2011, 120 p., 13 €
5 - Alberic de Palmaert, Joëlle Chabert, 100 personnages clés pour comprendre la Bible
« Pèlerin », Bayard, Montrouge, 2011, 212 p., 18 €
6 - Jaroslav Pelikan, À qui appartient la Bible ?
« Poche », CNRS Éditions, Paris, (2005) 2010, 358 p., 10 €
7 - Michel Quesnel, Philippe Gruson (dir.), La Bible et sa culture
Desclée de Brouwer, Paris, (2000) 2011, 610 p., 29 €


• (1) Introduire à la Bible, oui, mais laquelle ? Les éditions Eyrolles, au catalogue éclectique, avaient demandé au rabbin Philippe Haddad de présenter la Bible juive, la Torah (voir C.E. n° 157, 2011, p. 61) ; de la même manière, elles ont confié à deux enseignants de l’École Cathédrale de Paris de présenter la Bible chrétienne, composée de l’Ancien (ou Premier) Testament et du Nouveau Testament. 

C. Pellistrandi et H. de Villefranche se sont acquittés de la tâche avec l’expérience des pédagogues. Leur objectif principal est de faire lire les textes. Le chap. 1 est consacré à des précautions que l’on pourrait dire herméneutiques (« Ouvrir la Bible ») ; il est court (11 pages) et est continué dans le chap. 3 (« Lire la Bible aujourd’hui », 10 pages). Le second, très long (« Lire les textes », 147 pages), parcourt les ensembles littéraires de l’A.T. et du N.T., avec nombre de citations brèves, bien identifiées sur fond bleu ; de ce point de vue, il y a une réelle invitation à la lecture personnelle. 

L’ordre de présentation des livres est celui des catholiques, plus précisément celui adopté par la Bible de Jérusalem (même si l’ordre des Écritures juives est évoqué avec les Chroniques, la partie A.T. se termine sur Malachie et l’attente du Messie, p. 95-96). D’ailleurs, le public visé est d’emblée catholique, vu le nombre de citations du Magistère romain. 

Les écrits du N.T. bénéficient d’une partie historique (p. 97-114) dont les deux points principaux abordent le « milieu » (politique, culturel, religieux) du N.T. et la quête du Jésus historique. Curieusement, il n’y a pas l’équivalent pour les écrits de l’A.T., alors même que nos contemporains s’interrogent sur l’historicité des patriarches et de l’exode ou la composition du Pentateuque. Seuls les prophètes écrivains bénéficient de quelques notations chronologiques. 

Les auteurs ont adopté un parti pris narratif qui renouvelle avec un certain bonheur le genre littéraire de l’« histoire sainte ». D’abord parce qu’ils suivent de façon linéaire les livres fondateurs de la Genèse et de l’Exode puis, (trop ?) rapidement, les autres. Ensuite parce qu’ils mettent en valeur des arêtes comme la fraternité, l’élection, l’alliance, ancienne et nouvelle. C’est par le prisme de l’espérance messianique que sont abordés les psaumes et les livres de sagesse ; cet angle permet de comprendre l’articulation chrétienne de l’Ancien et du Nouveau Testament.

La partie qui aborde les écrits du N.T., elle, n’est pas linéaire. Elle commence par les tensions de la génération apostolique (Pierre, Jacques, Paul) avant d’aborder les évangiles. Le fait synoptique esquissé, le parti pris revendiqué est d’abord celui de la vie de Jésus (où l’enfance est passée sous silence et la Passion, à juste titre, privilégiée) puis celui des genres littéraires. De façon un peu disproportionnée (l’Apocalypse y domine l’évangile), le corpus johannique conclut le chapitre. Une sélection bibliographique (pas toujours à jour) termine l’ensemble. 

On a parfois l’impression d’une rédaction hâtive qui aurait empêché une harmonisation entre les deux ou trois parties du chap. 2 et un meilleur équilibre dans la présentation des livres. Il y a à la fois beaucoup (sur la Genèse et l’Exode, contés avec jubilation) et trop peu (sur les livres historiques, Job, le Cantique, Paul ou les pistes théologiques du chap. 3). C’est sans doute la loi du genre. Malgré ces limites, l’ouvrage est sérieux et fiable (quelques coquilles seraient à corriger). 

• (2) L’ouvrage de P. Gibert (P.G.), plus bref, s’adresse non à un public d’étudiants catholiques mais à des gens curieux (l’« honnête homme » du xviie siècle) qui ont déjà fait des premiers pas dans la Bible. 

Spécialiste de l’exégèse critique (voir C.E. n° 155, 2011, p. 115) et excellent vulgarisateur (voir La Bible. Le Livre, les livres, coll. « Découvertes » Gallimard, 1999), P.G. a repris et mis à jour une précédente publication de 1995 (voir C.E. n° 92, 1995, p. 65), en tenant compte des derniers acquis de la recherche. Fort judicieusement, il commence par le b.a.-ba pratique : quelles éditions utiliser ? Comment s’y retrouver dans les chapitres et les versets ? Puis il s’attache aux mots : pourquoi « la » Bible, au féminin singulier ? Pourquoi ancien et nouveau « testaments » ? Et ainsi de suite… Le tout est repris en fin de volume par un petit glossaire. L’approche permet de survoler les questions fondamentales de l’écriture des livres sacrés. 

Une première partie s’intéresse à l’A.T. et, sous le titre « Une bibliothèque variée », présente les livres de la tripartition juive, Torah, Prophètes et Écrits ; à chaque fois, P.G. conseille quelques textes pour un premier contact mais sans les citer ; au lecteur d’ouvrir sa bible… Puis vient l’affirmation du titre : comment la Bible fut écrite. Le passé simple oriente vers l’enquête historique ; nous sommes alors menés des plus anciennes légendes de la Genèse aux livres les plus tardifs de la Bible grecque et finalement à la mise en « canon ». Avec, au passage, un rapide aperçu de l’exégèse avec les noms de Spinoza, Richard Simon, Jean Astruc et le résumé de la théorie documentaire du Pentateuque. 

La seconde partie propose au sujet du N.T. un parcours sensiblement parallèle, parcourant cette nouvelle « bibliothèque », puis exposant pour quelles raisons et de quelle manière les premiers chrétiens se sont mis – pas trop vite – à écrire. 

Ici ou là, le lecteur reste un peu sur sa faim, par exemple au sujet des Psaumes pour lesquels on n’a guère que la liste de leurs « familles » telle qu’elle est donnée par la TOB, ou de la date de rédaction des épîtres, « entre 48 et la fin du siècle ». Mais ce n’est le revers de la médaille pour un ouvrage qui se veut d’un accès facile et qui, tel quel, est agréable à lire. Plus concis que celui de C. Pellistrandi et H. de Villefranche (cependant il prend le temps d’aborder les problèmes historiques), il est clair et simple à suivre.

 
• (3) M. Quesnel (M.Q.), bibliste et ancien recteur de l’Université catholique de Lyon, montre que l’on peut faire encore plus concis que P.G. : 153 pages pour 49 questions et 33 illustrations ! En fait, disons-le d’emblée, son ouvrage est complémentaire du précédent, car il ne s’agit pas d’une présentation en règle des livres bibliques. La gageure – honorée – est de traiter en deux pages maximum, écrites d’une plume limpide, une question que le grand public se pose après avoir feuilleté une bible. Ce petit livre ne précède donc pas la lecture mais l’accompagne. À la fin de chacune de ses réponses, M.Q. conseille lui aussi de lire quelques textes (on regrette qu’il donne les références sans plus).

Les 49 questions retenues sont réparties en quatre parties : « Généralités », « Ancien Testament », « Nouveau Testament », « La Bible aujourd’hui ». Le corpus littéraire envisagé est celui du canon catholique mais, au fil des réponses, M.Q. montre qu’il est attentif aux différences confessionnelles et interreligieuses. La sélection et l’intitulé des questions ont dû faire l’objet d’une réflexion approfondie. S’y côtoient en effet des sujets fondamentaux tels que la vérité (Q. 8) ou la résurrection (Q. 37) et des sujets a priori plus légers sur les animaux (Q. 10), Jonas et la baleine (Q. 27) ou l’avenir des douze apôtres (Q. 41). Les animateurs d’aumônerie reconnaîtront là des questions d’adolescents et qu’il faut passer par celles-ci avant d’aller à celles-là. Les « pourquoi ?» s’enchaînent avec des « comment ?» et alternent avec des affirmations qui, justement, posent problème quand elles touchent les rapports entre la science et la foi, entre l’histoire et la vérité. Un esprit chagrin trouvera que la formulation de certaines réponses manque parfois de nuance (sur le lieu du passage de la mer Rouge, Isaïe scié en deux ou l’identité de Jean de Patmos…). C’est la règle du jeu. Dommage cependant que les images – nombreuses et diverses mais reproduites de façon médiocre – ne sont pas mieux utilisées et commentées. En rebondissant sur le texte, elles auraient pu être un vrai atout pédagogique. Si l’ouvrage, de ce point de vue, est perfectible, il réussit néanmoins à esquisser le profil d’un lecteur attentif et intelligent. Et ceci sans effort ! 


• (4) C’est également le profil d’un lecteur intelligent et non pas le survol des livres bibliques qui est au centre de l’ouvrage de V. Duval-Poujol (V.D.-P.), paru en 2004 et réédité sans changement. Les « clés » du titre portent en effet sur l’acte de « comprendre ». 

V.D.-P., baptiste, est enseignante et animatrice de sessions bibliques. De son expérience, elle a identifié un type de lecteur qui, selon elle, ne peut profiter pleinement de la lecture de la Bible. Méfiant vis-à-vis d’une lecture critique, résistant à situer les textes dans leur contexte historique et littéraire, celui-ci désire un contact immédiat avec le texte (considéré comme synonyme de Parole de Dieu) qu’il actualise de façon souvent arbitraire. En instrumentalisant ou en « déifiant » le texte (pour des questions d’éthique par ex.), une telle approche ne respecte ni l’Écriture ni la Parole de Dieu dans leur objectivité, ni le lecteur dans sa liberté d’interprétation. 

Ajoutons pour notre part que cette maladie, car c’en est une, touche aussi bien certains catholiques que des évangéliques. Mais ce n’est qu’une maladie infantile dont il est possible de guérir. Pour cela, V.D.-P. propose à qui en serait atteint de se poser de bonnes questions au fil des dix chapitres de son étude. Ceux-ci, sans être difficiles, demandent une certaine attention mais des schémas émaillent le propos, des exemples l’illustrent et une sélection d’ouvrages, juifs, catholiques et protestants le prolonge. Peu à peu se met en place une démarche que V.D.-P. nomme « l’approche principielle ». Celle-ci « se résume en trois grandes étapes : comprendre le texte, identifier le principe, trouver l’actualisation. Cela signifie qu’on ne cherchera pas à trouver d’emblée l’application du texte à sa propre situation. Au contraire, on commencera l’étude par la compréhension de la spécificité du texte » (p. 121). La définition est commentée par plusieurs exemples, certains tirés de la Bible, d’autres de notre actualité (la lecture en famille par ex.). V.D.-P. reconnaît elle-même que « la recherche de principes et d’actualisations grâce à cette approche est un processus long et difficile, nécessitant du calme et des heures d’écoute attentive du texte » (p. 131). Nous retiendrons qu’il s’agit moins d’une méthode (les outils classiques de l’exégèse sont résumés en annexe) que de réflexes à acquérir. 

Tout lecteur de la Bible, quelle que soit sa confession religieuse et qu’il soit commençant ou bien avancé en lecture biblique, aura bénéfice à parcourir un tel ouvrage. Ne serait-ce que pour vérifier, au fil des pages, s’il ne possède pas certains des symptômes qui sont analysés et dénoncés… 


(5) 
L’ouvrage d’Alberic de Palmaert et Joëlle Chabert, tous deux journalistes et écrivains, bons connaisseurs de la Bible, porte un titre presque identique au précédent ! Les « clés » ne sont plus d’ordre herméneutique (elles ne cherchent pas à façonner un lecteur), elles reviennent au contenu des livres bibliques en se concentrant sur les personnages. L’ensemble est la réunion de deux hors-série de l’hebdomadaire Le Pèlerin, d’où une mise en page claire, colorée et largement illustrée pour un large public jeune et moins jeune. 

Le choix de « 100 » personnages relève bien évidemment du jeu (50 pour l’A.T., 50 pour le N.T. regroupés à chaque fois en six parties ; Jean le Baptiste est curieusement nommé à la fois dans l’A.T. et le N.T.), mais permet de couvrir toute la Bible (dans son extension catholique puisqu’on y trouve Judas Maccabée ou Tobie). On remarque que les femmes sont bien présentes – sans chercher une parité que la Bible ne promeut pas – et que les anonymes de l’Évangile (centurion, cananéenne, femmes disciples etc.) ne sont pas oubliés. Il y avait a priori une gageure à s’intéresser à chaque apôtre, les renseignements sur certains étant plutôt maigres, mais elle est tenue. En effet, la présentation des personnages connus (Adam et Ève, Abraham, Moïse, David, Marie, Simon dit Pierre, Marie de Magdala, etc.) ou plus obscurs (Seth, Jacques le Mineur…) obéit aux mêmes principes : brièveté (une à deux pages maximum), clarté d’écriture, contrepoint d’une belle image, mais surtout choix d’un commentaire de type narratif qui situe bien les textes dans leur contexte et distille sans effort visible informations littéraires, historiques, théologiques. De temps à autre des notices apportent des compléments (sur la lignée de Juda, les apocryphes…). De ce point de vue, le lecteur a effectivement des « clés » – il pourrait, si le cœur lui en dit, se livrer au même exercice sur d’autres personnages (suggérons, pour l’A.T. qui a, comme toujours, la portion congrue : Léa, Tamar, Pharaon, Balaam, Jephté, Jonathan, Nathan, Achab et Jézabel, le Serviteur, la Sagesse…). 

De façon astucieuse, chacune des douze parties fait l’objet d’une introduction qui pose des points de repères ; pour le N.T., c’est l’occasion de dessiner progressivement un portrait de Jésus plein de finesse. Nous nous permettons deux petits regrets : pour l’A.T., la tripartition juive Pentateuque/Prophètes/Écrits a été « cassée » au profit d’un fil qui se veut historique ; et, comme pour l’opuscule de M. Quesnel (3), le potentiel pédagogique des images n’est pas vraiment exploité : elles illustrent plus qu’elles ne commentent et dialoguent. Néanmoins, voilà de la belle ouvrage que l’on aura plaisir à offrir. 


(6) Passé (presque) inaperçu à sa sortie en 2005 (trad. française aux éd. La Table Ronde), ce bel ouvrage est réédité à prix économique. Il aura été le dernier de Jaroslav Pelikan (J.P.), historien américain de la tradition chrétienne décédé en 2006. Luthérien passé à l’orthodoxie, J.P. a un propos large, œcuménique, interreligieux, et il ventile ses grandes connaissances avec une clarté non dénuée d’humour (il parle ainsi de la fixation des traditions orales qui ont été « immobilisé[e]s dans un livre comme une mouche dans l’ambre »). 

En hommage aux tribus d’Israël ou aux apôtres, J.P. a construit douze chapitres dont cinq spécifiques sur l’A.T. qu’il appelle, comme les juifs, TaNaKh (acronyme hébreu de Loi, Prophètes, Écrits). En fait, il s’intéresse moins à la composition de la Bible – juive ou chrétienne – qu’à l’histoire de sa transmission et de son interprétation, laquelle se réfracte en variations confessionnelles (le sous-titre est : « Le livre des livres à travers les âges »). On y trouve ainsi un chapitre sur la Septante, traduction des Écritures en grec, inauguration d’un mouvement d’ouverture qui ne s’arrêtera plus. Dans ce mouvement, il souligne combien la Vulgate est une « source matricielle » de la liturgie latine. D’ailleurs, au Moyen Âge, règne de la Vulgate d’un côté et du Talmud de l’autre, les « peuple du livre » – l’islam est convoqué – « unis dans l’héritage d’Abraham et le pouvoir du Livre, [ont réussi] un temps à transcender leurs différences sans perdre pour autant leurs identités respectives » (p. 180). À notre époque de raideur identitaire, la chose mérite d’être soulignée. 

J.P. n’est pas pour autant un nostalgique. Il souligne le travail des érudits de la Renaissance redécouvrant l’hébreu et le grec (la remontée aux origines), celui des critiques issus de la Réforme et des Lumières (la confrontation du texte et de l’histoire), celui des missionnaires des xix et xxe siècles enfin, porteur d’un livre-bibliothèque d’origine méditerranéenne qui devient universel, « adressé vraiment à l’ensemble de la race des hommes et non plus réservé à l’Europe, au Proche-Orient et aux Amériques » (p. 271).

Aujourd’hui où la Bible est largement répandue – point de non-retour d’une diffusion mondiale – n’est-elle pas méconnue, particulièrement en Occident ? Dans une formule percutante, J.P. parle de la fonction centrale de la Bible « qui est non seulement de réconforter les affligés, mais aussi d’affliger ceux qui sont englués dans le confort ou le conformisme, et qui restent assis dans leurs synagogues, dans leurs églises ou dans leurs temples en écoutant ces paroles » (p. 286). 

À qui appartient la Bible ? Aux communautés qui la lisent ? Oui, en partie. Car les communautés, juive et chrétienne, se définissent grâce à elle, grandissent par elle, la portent et la transmettent comme un trésor vivant. L’existence de ces deux communautés, irréductibles l’une à l’autre, serait un appel à un enrichissement mutuel des lectures, à une interaction des interprétations. 

Ce petit livre n’est certes pas à considérer comme un ouvrage d’introduction au même titre que les autres, ne serait-ce que par la place accordée à l’histoire de l’objet « bible » et de ses interprétations. Par contre, une fois acquis ailleurs les éléments littéraires de base, qui se désintéresserait de la vie et de la croissance de la Bible au long des siècles ? Elles sont ici exposées avec maestria. 


• (7) Plus qu’une introduction, il s’agit, avec La Bible et sa culture, d’un manuel de présentation, cette fois-ci assez développé. Nous avons dit à l’époque de sa parution tout le bien que nous en pensions (C.E. n° 114, 2001, p. 63-64). Le voici réédité sans changement en un seul volume et à prix raisonnable. Nous ne pouvons qu’en remercier l’éditeur. Vu son épaisseur, on ne peut le comparer aux autres ouvrages introductifs recensés. Les questions d’histoire sont déployées et, d’une manière ou l’autre, tous les livres bibliques sont traités. Cependant, l’ensemble est volontairement moins érudit que, par exemple, l’Introduction à l’Ancien Testament de T. Römer, C. Nihan et J.-D. Macchi (C.E. n° 156, 2011, p. 73-74) ou La Bible expliquée à mes contemporains de J. Kugel (C.E. n° 157, 2011, p. 61-62).

P. Gruson (pour l’A.T.), M. Quesnel (pour le N.T.) et leurs cinquante collaborateurs ont fait le pari d’une approche culturelle. Monument de la culture occidentale, la Bible est elle-même, dans sa diversité, produite par la culture du Proche-Orient ancien. 

Copieux, l’ouvrage est constitué de chapitres courts illustrés de nombreux encadrés. Sur six cents pages, dans une écriture sans jargon, un maximum d’informations historiques et littéraires est ainsi offert au public des enseignants et étudiants en lettres, histoire, philosophie et art (catéchistes et animateurs bibliques y puiseront également avec bonheur). Sans prosélytisme, c’est la Bible chrétienne qui est de nouveau envisagée, mais la tradition juive n’est pas oubliée. Le lecteur entre avec aisance dans l’expérience religieuse de ceux qui ont rédigé les livres de la Bible il y a vingt ou trente siècles. 

Le premier volet (A.T.) réussit à négocier la difficulté de présenter des livres écrits sur un millénaire avec des conceptions de l’histoire et des théologies très différentes, prolongées dans les targoums ou le midrash. Dans le deuxième volet (N.T.), une première partie est consacrée à l’histoire de Jésus et Jésus dans l’histoire. Une deuxième partie invite à lire les œuvres de Paul, Marc, Matthieu, Luc, Jean etc. avec un prolongement sur les « apocryphes ». À acquérir d’urgence si ce n’est déjà fait et à garder à portée de la main. 

• Pour conclure ce panorama, il nous faut ajouter que les bibles actuelles sont pourvues d’introductions consistantes que le lecteur a tout bénéfice à consulter. Les éditions les plus récentes (ZeBible 2011, TOB 2010, Nouvelle Bible Segond 2002, Bible Bayard 2001…) sont évidemment les plus à jour, en particulier pour ce qui concerne les questions historiques. Cependant – sauf peut-être ZeBible –, les processus d’actualisation sont peu évoqués, ce qui donne toute leur valeur à la plupart des ouvrages ici présentés, attentifs à la manière de lire autant, sinon plus, qu’au texte à lire.

 
© Gérard Billon, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 159 (mars 2012), "Diakonia. Le service dans la Bible" (collectif), p. 66-71)