Le Psaume 37 est une réflexion sereine et profonde sur les conditions pour hériter de la terre et de ses bienfaits...

Le Psaume 37 est un psaume de sagesse, une réflexion sereine et profonde sur les conditions pour hériter de la terre et de ses bienfaits.

L’impie et le juste. Le psalmiste est obsédé par le contraste entre la violence, l’insolence, la réussite des impies et l’impuissance des justes. Ceux qu’ils désignent comme les impies, les ennemis du Seigneur (v. 20), semblent en position de force. Par plusieurs impératifs, le sage incite son interlocuteur à la patience : « Ne t’enflamme pas... ne jalouse pas » (v. 1) ; « Compte sur le Seigneur et agis bien » (v. 3) ; « Reste calme » (v. 7) ; « Évite le mal, agis bien » (v. 27) ; « Attends le Seigneur et garde son chemin » (v. 34).

Sa souffrance vient du cynisme qui semble régner sur la terre donnée par Dieu à son peuple. « L’impie intrigue contre le juste » (v. 12), égorge « celui qui marche droit » (v. 14), « abuse de sa force » (v. 35).Les pécheurs font fortune, trichent, tendent des pièges (v. 16, 31, 32).

Le regard du sage sur la terre traverse les apparences pour rejoindre la sagesse de Dieu. Il invite le croyant à s’inscrire dans la durée : « Ils faneront aussi vite que l’herbe » (v. 2), « les méchants seront arrachés » (v. 9), « encore un peu et il n’y a plus d’impie » (v. 10), « les bras des impies casseront » (v. 17), « pareils à la parure des prés, ils sont partis, partis en fumée » (v. 20).

À qui le maître de sagesse délivre-t-il son enseignement ? Au « juste » (nommé neuf fois, au pluriel ou au singulier). On pressent la signification : un ajustement parfait au Seigneur. Le psaume décline en quelque sorte ses lettres de créance : « l’humble et le pauvre » (v. 14), celui que le Seigneur « soutient » et « tient par la main » (v. 17.24), « l’homme honnête, l’homme droit » (v. 37).

« Ils possèderont la terre… » On sait que pour l’Israélite, la terre comporte une double valeur matérielle et spirituelle. La vie sur cette terre a d’autant plus de densité qu’elle n’est pas prolongée après la mort. Et donc l’accomplir sur la terre promise et donnée suppose un engagement, une fidélité au Dieu donateur. Pendant l’exil, matrice du judaïsme (voir chap. I, p. 00), les plus sensibles parmi les exilés ont beaucoup réfléchi à la terre perdue et rêvée. L’histoire deutéronomiste – du livre de Josué à la fin du livre des Rois – représente la synthèse théologique la plus achevée sur ce point. Quand, en 538 av. J.-C., le roi Cyrus a offert aux exilés la possibilité de rentrer, un travail intellectuel et spirituel intense a préparé les conditions d’un retour réussi.

Le Psaume 37 en est un des temps forts. Éloigné de la terre de ses ancêtres, le croyant s’interroge et le sage médite. Pourquoi avoir perdu la terre ? Comment et à quelles conditions la retrouver ? Le psalmiste est porté par une grande espérance. Les verbes au futur expriment une attente confiante qui n’est pas utopique : en effet, ce sont « ceux qui attendent le Seigneur » (v. 9), « les humbles » (anawim, v. 11), « ceux que le Seigneur bénit » (v. 22), « les justes » (v. 29) qui « posséderont le pays ». Dès le début, le programme de vie est résumé : « Compte sur Seigneur et agis bien pour demeurer dans le pays et paître en sécurité » (v. 3).

« … les humbles ». Le même motif se retrouve ailleurs dans les psaumes. Ainsi le Psaume 25 exprime la confiance du croyant en la protection de Dieu. Malgré les « rébellions de sa jeunesse » (v. 7), malgré « les ennemis si nombreux » (v. 19), il demande : « Pense à moi dans ta fidélité, à cause de ta bonté, Seigneur » (v. 7). Celui qui suivra les chemins de Seigneur, « sa semence possédera la terre » (v. 13). Ce pénitent, par sa sincérité et son amour de Dieu, représente un de ces anawim ou « pauvres du Seigneur » à qui est promis ce que la terre représente : le royaume de Dieu.

« L’expérience de l’exil où le lien a pu se maintenir en dehors de la terre promise, la perception progressive de rapports plus personnels entre Dieu et l’individu, la conviction que les biens matériels ne suffisent pas à apporter le bonheur et l’expérience vécue d’un bonheur plus intense que la présence divine pouvait seule apporter, tout cela a certainement dû contribuer à spiritualiser peu à peu le contenu de l’héritage promis » (J.-L. Vesco, op. cit., p. 348).

Les psaumes ont accompagné Jésus dans sa présentation du Royaume. Une des béatitudes cite le Psaume 37,11 : « Bienheureux les doux, ils posséderont la terre » (Mt 5,4-5, « doux » étant la traduction grecque d’anawim).

 
© Alain Marchadour Cahier Évangile n° 162 (décembre 2012) p. 46-48.