Dans l’évangile de Jean, on ne retrouve pas l’épisode de Gethsémani tel qu’il est raconté dans les évangiles synoptiques...

Dans l’évangile de Jean, on ne retrouve pas l’épisode de Gethsémani tel qu’il est raconté dans les évangiles synoptiques (Mt 26,30-46 ; Mc 14,32-42 ; Lc 22,39-46). Après le dernier repas, si Jésus va dans un jardin avec ses disciples, le nom du lieu n’est pas précisé. Jésus est présenté par Jean comme l’homme libre qui va résolument vers sa mort ; il arrête Pierre qui voudrait l’empêcher de " boire la coupe " (Jn 18,1-12), alors qu’à Gethsémani, il demande d’abord au Père d’éloigner la coupe, puis se décide à la boire (Mt 26,39 et //). Chez Jean, peu avant et pendant l’arrestation de Jésus, aucun geste, aucune parole ne dénote un vécu d’angoisse ou de peur, contrairement à l’épisode de Gethsémani où il est triste à mourir et, selon Luc, transpire même du sang. Dans le Quatrième évangile, Jésus semble survoler les événements entourant son arrestation qu’il dirige de main de maître.

Cependant un passage du Quatrième évangile, précédant le dernier repas et suivant la demande des Grecs de voir Jésus, montre le trouble ressenti par l’homme face à sa mort prochaine. Après avoir parlé du grain de blé qui meurt, Jésus dit : " Maintenant, je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ! – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenue à cette heure-ci ! " (Jn 12,27). Le Fils est tourné vers le Père et le trouble qu’il ressent ne l’empêche pas d’être décidé à aller vers la mort. Il ne se dérobera pas à l’Heure et la vivra pleinement. Toutefois, ce désir de faire la volonté du Père et de glorifier son nom, ne le rend pas insensible à ce qui se noue et qui l’oblige à passer par la mort. Il en est " bouleversé " ; le même terme est utilisé pour parler de l’attitude de Jésus face au deuil de Marie et aux pleurs des Juifs qui l’entouraient (Jn 11,33). On voit bien que même si Jean n’a pas repris l’épisode de Gethsémani et a tendance à accentuer la décision souveraine de Jésus d’aller à la mort, il ne dépeint pas un Jésus insensible et surhumain. La gloire de la croix n’empêche pas la souffrance. La vérité de la résurrection n’est pas un effacement du scandale de la mort.


© Bernadette Escaffre, SBEV / Éd. du Cerf,Cahier Évangile n° 145 (septembre 2008) "Évangile de J.-C. selon St Jean. 1 – Le Livre des signes (Jn 1-12)", p. 55 (encadré).