Le titre de ce Cahier, "La géographie de la Bible", indique que son propos dépasse les limites de l'ancien concept de « géographie biblique ».
Le titre de ce Cahier, La géographie de la Bible, veut indiquer que son propos dépasse les limites de l'ancien concept de « géographie biblique », une telle désignation pouvant laisser croire que la géographie appliquée aux données bibliques se serait constituée en discipline spécifique. La géographie est une science autonome, et c'est en tant que telle qu'elle peut fournir au lecteur des textes bibliques des instruments susceptibles d'en améliorer la compréhension. Science autonome, la géographie est également une science aux multiples facettes, auxquelles correspondent les différents angles d'approche que nous nous proposons d'adopter dans ce Cahier.
Tout d'abord, nous nous intéresserons à la géographie physique du pays, ou mieux, des pays bibliques : cet intitulé recouvre aussi bien la géologie, que l'étude du relief, celle de l'hydrologie ou enfin celle du climat. Les données de la géographie physique conduisent à délimiter les principales régions qui constituent les pays bibliques, et à en préciser les caractéristiques propres. Elles permettent donc d'élaborer une véritable géographie régionale. La définition géographique des principales régions ira de pair avec une enquête permettant de mettre au jour la manière dont le texte biblique se réfère aux différentes entités géographiques, et de préciser le vocabulaire spécifique auquel il recourt pour les désigner.
Puis, notre enquête aura pour objet la géographie humaine. Ce terme veut désigner tout à la fois la géographie économique (agriculture, industrie, communications et commerce) et la géographie politique : l'entité politique « Israël », quelles que soient ses désignations successives. Israël a toujours été tributaire de l'histoire des grandes puissances qui l'entouraient : au sud l'Égypte, au nord-est les empires qui se sont succédé dans l'espace mésopotamien. C'est dans ce contexte régional qu'il convient de comprendre le développement puis la chute des royaumes de Samarie et de Juda, le destin politique de la fragile province de Judée, dans le cadre de l'Empire perse, la naissance et le développement du royaume hasmonéen. A ces différentes époques, comme à la Palestine du Nouveau Testament, correspondent des caractéristiques géographiques propres que nous présenterons brièvement.
Signalons ici que les données récentes de l'archéologie des pays de la Bible mettent parfois en question les résultats communément admis de la critique socio-historique des textes bibliques, particulièrement pour ce qui concerne la période pré-exilique : des datations se révèlent contestables, des entités politiques (tel le royaume de David et de Salomon) semblent devoir faire l'objet d'une nouvelle évaluation critique. Nous tenterons de mettre en perspective les résultats récents des études archéologiques et les données de l'exégèse critique des textes bibliques.
Enfin, se pencher sur le thème « géographie et Bible », c'est aussi s'intéresser à la manière dont le texte biblique recourt aux données géographiques. A côté de récits où les notions géographiques, souvent sobrement exposées, ont pour but de préciser le cadre de l'action, ou encore de compléter l'information du lecteur, plusieurs textes ou ensembles littéraires recourent à la géographie comme lieu « théologal »: l'organisation, la structuration de certains récits à l'aide d'une géographie symbolique est l'un des vecteurs choisis par leurs auteurs pour délivrer au lecteur ou à l'auditeur un message théologique. Dans la dernière partie de ce Cahier, nous chercherons à mettre au jour la géographie symbolique du Tétrateuque sacerdotal (Gn-Nb), celle du cycle de Jacob, celle du livre du Deutéronome, et enfin, dans le Nouveau Testament, celles des Évangiles synoptiques ( les itinéraires des voyages de Paul sont délibérément laissés en dehors de la perspective de ce Cahier).
© Olivier Artus, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 122 (décembre 2002), "La géographie de la Bible" (p. 5-6)