Existe-t-il une archéologie biblique ? Une telle question mérite d'être posée...

Olivier Artus, dans le Cahier Evangile n° 121, a présenté de manière posée le livre de Finkelstein et Silberman, La Bible dévoilée (Bayard 2002).

La lecture de cet ouvrage a laissé perplexes certains de nos lecteurs. Jacques Briend, un des rares biblistes à bien connaître l'archéologie palestinienne, réagit. Au-delà du livre discuté, c'est toute le problème des relations entre la Bible et l'archéologie qui est abordé.

Paru dans la revue Esprit et Vie n°67 (octobre 2002) page 3 à 6, ce point de vue est repris dans ce Cahier Evangile n° 122 (décembre 2002) pages 62 à 65. Nous en donnons ici juste la conclusion.

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Existe-t-il une archéologie biblique ? Une telle question mériterait d'être posée, en guise de conclusion. Dans son livre, FiNKELSTEIN cite, à plusieurs reprises, W.F. ALBRIGHT, célèbre archéologue américain, souvent considéré comme le père de l'archéologie biblique (p. 48). Cette dernière expression est souvent utilisée dans la vulgarisation, et elle est largement acceptée chez les biblistes anglo-saxons. Il y aurait un grand avantage à la faire disparaître de notre vocabulaire. L’archéologue américain W.G. DEVER, directeur des fouilles de Gézèr, avait proposé, il y a déjà plusieurs années (1974), de parler d' «archéologie syro-palestinienne» mais il n'a pas été suivi. Les mots ont ici leur importance et, personnellement, je n'ai jamais enseigné un cours d' «archéologie biblique», malgré mon intérêt pour la Bible. En effet, l'archéologie est une discipline qui a ses règles et ses méthodes, et qui s'exerce dans un pays ou une région donnés ; même en Palestine, bien des découvertes qui sont faites n'ont rien à voir avec la Bible.

D'autre part, la Bible est un livre, un texte dont la lecture obéit à des règles d'interprétation qui sont valables pour tout texte. Archéologie et Bible sont deux mondes différents. Affirmer cela ne signifie pas que l'apport de l'archéologie n'importe pas à la lecture de la Bible, mais ce que l'archéologie met au jour, ce sont les objets réels de la vie quotidienne qui ont appartenu à des hommes et à des femmes à telle époque. Se prononcer sur l'identité ethnique des habitants est déjà plus aléatoire et l'archéologue est heureux de trouver des inscriptions qui permettent de fonder des hypothèses. Ils sont très rares les archéologues qui soient en même temps des biblistes, et une compétence égale dans les deux domaines est chose de plus en plus exceptionnelle.

A cet égard, l'ouvrage de FINKELSTEIN montre bien la difficulté pour l'archéologue de se servir des textes de la Bible, sans vouloir simplifier leur complexité. Pour ne prendre qu'un exemple dans le monde juridique, le Deutéronome et l'histoire deutéronomiste sont souvent cités par FINKELSTEIN, mais c'est oublier qu'avant le Code deutéronomique, il existait le Code de l'Alliance (Ex 20-22), plus ancien et antérieur au roi Josias. C'est dire que la confrontation entre la Bible et les découvertes archéologiques est loin d'être achevée et exige le respect de chaque discipline.

Jacques BRIEND

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