La lettre aux Hébreux considère ici la liturgie sous l'aspect de l’action qu’elle accomplit.

À partir de maintenant et jusqu’en 10,18, la lettre considère la liturgie dont elle vient de préciser le cadre sous son aspect de « performance », c’est-à-dire l’action qu’elle accomplit. Action qui est double : d’une part, entrer dans le sanctuaire, d’autre part, faire une offrande. Le chap. 9 développe la première action, entrer dans le sanctuaire : comme le grand-prêtre n’entre pas sans ce qu’il doit offrir, une partie du chapitre en parle, préparant la considération de l’offrande, seconde action, traitée dans le chap. 10. L’ensemble continue de jouer sur le contraste entre le système ancien et la liturgie nouvelle qu’effectue le Christ, l’un se trouvant accompli et l’autre manifestant la caducité du premier. Dans le chap. 9, cette opposition est très bien marquée : la première, donc,… (9,1) / Mais le Christ… (9,11).

Les cinq premier versets du chap. 9 décrivent la disposition des choses : une première tente, une seconde tente, et les objets qui s’y trouvent. On peut hésiter sur le référent d’une telle description. On peut penser à la description du sanctuaire dans les consignes données à Moïse au Sinaï (à partir de Ex 25) ; ou encore que la description est déduite des prescriptions du Lévitique ; ou tout simplement, que la lettre décrit l’arrangement que l’on trouvait dans le Temple de son époque. Toujours est-il que cette description semble partielle et, en tout cas, la lettre l’interrompt de manière abrupte : Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans les détails. Mais alors, pourquoi avoir commencé une telle description ?! Deux remarques viennent à l’esprit. En commençant une description des détails de la liturgie, de sa disposition et des objets nécessaires pour l’accomplir, le discours laisse surgir ce que F. Martin appelle la « tentation du dispositif » : par où nous croyons, en nous attachant aux détails, atteindre mieux et plus sûrement à l’efficace de l’action liturgique… La lettre coupe court à cette tentation en ne donnant pas une description complète de la disposition liturgique, et surtout en mentionnant, quelques versets plus loin, l’Esprit-Saint qui montre la limite de ces « détails ». Seconde remarque. Si ce ne sont pas les « détails » qui comptent, alors qu’est-ce qui compte ? La lettre l’énonce clairement : l’entrée du grand-prêtre dans le sanctuaire, lui seul, une fois par an, portant le sang qu’il va offrir.

Ce qui vient d’être décrit, c’est le système « ancien ». Grâce à l’Esprit-Saint, sont perçues les limites de ce système, et son impuissance. Impuissance quant à la performance, car il ne permet pas d’entrer – le chemin du sanctuaire n’est pas manifesté – et impuissance quant aux sujets bénéficiaires de ce culte, qui n’arrive pas à purifier leurs consciences. Ce système cultuel est admis (v. 10), pour le temps où n’est pas encore advenu le culte qui l’accomplit (jusqu’au temps du relèvement), ce qui signifie qu’il a quand même une valeur, qui est de manifester ce que l’on cherche ardemment à obtenir par lui, mais qu’on ne peut obtenir tant qu’il est là (tant que subsiste, v. 8).

 
© Jean-Marie Carrière, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 151 (mars 2010), "Tenez bon ! Relire la Lettre aux Hébreux", pages 37-38.