Sans transition après l’épisode de l’aveugle-né, Jésus commence un discours de révélation introduit solennellement par deux "Amen"...

Lecture de Jn 10,1-42

[4e dimanche de Pâques : année A (Jn 10,1-10).
4e dimanche de Pâques: année B (Jn 10,11-18).
4e dimanche de Pâques, année C (Jn 10,27-30).]


Sans transition après l’épisode de l’aveugle-né, Jésus commence un discours de révélation introduit solennellement par deux " Amen ". Le chapitre peut être divisé en deux parties : v. 1-21 et v. 22-42.

Dans la première partie, seule la section qui reprend les images de la porte et du berger est lue pendant le Temps pascal (v. 1-18). Les versets 19-21 décrivent une scission chez les interlocuteurs de Jésus entre ceux qui disent qu’il est possédé et les autres non.

La deuxième partie nous informe sur le lieu, le Temple, et sur l’époque, la fête de la Dédicace (v. 22-26). Une discussion s’élève entre Jésus et les " Juifs " (v. 27-30). Un extrait centré sur le thème des brebis est lu, lui aussi, en Temps pascal. La fin du chapitre (v. 31-42) raconte une nouvelle tentative de lapidation pour accusation de blasphème. Jésus échappe de nouveau à ses persécuteurs et se rend en Transjordanie – la notice établit clairement le lien avec les débuts de la révélation du Fils devant Jean le Baptiste (10,40 et 1,28).

Lecture d’ensemble

La métaphore du berger et des brebis est fréquente dans la Bible. Dieu est présenté comme le berger qui a conduit son troupeau à travers le désert (Ps 77,21 ; 78,52) qui prend soin de chaque personne (Ps 23). Les prophètes vont critiquer les responsables du peuple qui ne s’occupent pas des brebis, mais les exploitent (Ez 34).

L’espérance des temps messianiques est associée avec la venue d’un berger fidèle à Dieu. Les paroles de Jésus se base sur cette espérance, et le don de la vie de la part du pasteur rappelle David qui risquait sa vie pour sauver les brebis (1S 17,34-35).

On peut proposer une division du texte différente de celle du Lectionnaire. Le discours de Jésus est formé d’une première partie (v. 1-6) qui parle en général du troupeau, du brigand et du portier. Cette partie se termine au v. 6 sur l’incompréhension de l’auditoire. Ensuite s’enchaînent deux sections en " je " : dans la première, Jésus se présente comme la porte (v. 7-10), et dans la deuxième, comme le berger (v. 11-18).

Au fil du texte

1) Le discours de Jésus commence de façon négative : celui qui ne passe pas par la porte est " un voleur et un bandit ". La pensée avance par opposition : celui qui entre par la porte est alors identifié comme le berger des brebis. Puis Jésus précise la relation personnelle qui les unit : les brebis écoutent, le berger les connaît " chacune par son nom ". Il marche devant elles et elles le suivent. Le berger n’est pas un négociant d’animaux.

2) Pour parler de la bergerie, Jean utilise le mot " cour " (grec " aulê "). Dans la Septante, traduction grecque de la Bible, ce terme désigne la cour du Temple (1R 6,36, etc.) et celle de la Tente de la réunion du désert (Ex 27,9, etc.). Un rapport s’établit donc avec le lieu même où Jésus se trouve avec ses auditeurs. Au-delà de l’image bucolique, on aurait donc l’image du Temple, et Jésus se présenterait non seulement comme le berger des " brebis ", mais aussi comme le gardien et protecteur des fidèles et comme la porte qui donne accès au Temple. Sa dénonciation des voleurs et brigands s’adresserait ainsi aux responsables religieux.

3) Devant l’incompréhension des auditeurs (v. 6), Jésus reprend son discours pour l’expliciter par les métaphores de la porte (v. 7) et du bon berger (v. 11), qui ne peuvent s’appliquer à personne d’autre que lui-même.

4) Jésus qualifie de voleurs ceux qui sont intervenus avant lui. Cette affirmation ne vise pas Abraham, Moïse, David, Isaïe, etc. Aussitôt, il précise que celui qui passe par lui sera sauvé, aura la vie et même " en abondance ". Ici, il révèle donc que lui seul peut conduire à la vie de la même manière qu’ailleurs il se dévoile comme le Fils qui transmet ce qu’il a reçu du Père. Tout autre personne qui se présenterait comme la porte d’accès à Dieu, à la place de Jésus, ne peut être qu’un " voleur ".

5) Le berger ne reçoit pas le qualificatif de " vrai " comme c’est le cas pour la lumière (Jn 1,9), le pain (6,32) ou la vigne (15,1), mais celui de " bon " (grec " kalos "). Cet adjectif signifie qu’il remplit pleinement son rôle : celui de garder les brebis en vie et de les défendre de tous les dangers. Le " bon " berger n’est pas un gardien rémunéré avec pour objectif de rendre en bon état une marchandise ; il a une relation personnelle avec chaque brebis. Il les connaît, elles le connaissent. Il y a entre elles et lui la même relation qu’entre lui et son Père.


© Bernadette Escaffre, SBEV / Éd. du Cerf,Cahier Évangile n° 145 (septembre 2008) "Évangile de J.-C. selon St Jean. 1 – Le Livre des signes (Jn 1-12)", p. 47-49.