Lire un texte biblique c'est découvrir que je ne peux l'assimiler en quelques secondes, puis passer à autre chose...
Souvent, quand on débute dans la Bible, le texte n'est vu que comme simple occasion. On parle sur le texte au lieu de parler du texte; on se raconte à propos du texte; on l'a à peine écouté qu'on l'oublie et qu'on revient à ses propres problèmes. On n'est pas sorti de soi.
Lire est un acte important qui suppose une ascèse. Il s'agit d'oublier un instant ses propres certitudes pour trouver l'accueil nécessaire et écouter. Lecteurs, nous découvrons que le texte existe par lui-même, qu'il n'est pas nous, qu'il ne pense pas toujours comme nous, qu'il dit des choses que nous ne comprenons pas et qui parfois nous dérangent. Lire est une entreprise d'écoute et d'accueil. C'est un des premiers fruits de la lecture biblique: nous apprenons à écouter une parole qui vient d'ailleurs, nous apprenons à nous déposséder.
Lire le texte c'est découvrir que je ne peux l'assimiler en quelques secondes, puis passer à autre chose sans plus me soucier de lui. Le texte me résiste. Si je l'ai lu avec attention, il revient me voir, me pose des questions. Je découvre en lui des choses que je comprends, d'autres qui me semblent étrangères. C'est par exemple, telle phrase prononcée par Jésus: « A celui qui a, il sera donné et à celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera retiré » (Mc 4,25) ou tel récit bizarre, comme celui où Jésus ordonne aux porcs de se jeter dans la mer (Mc 5,1-20): En ouvrant l'Evangile, je croyais travailler le texte; je découvre, en fait, que c'est lui qui me travaille et me pose des questions.
Cette résistance du texte est d'une grande importance. Elle m'oblige à m'arrêter et m'interroger; elle me remet en cause, elle me fait faire l'expérience de l'autre.
© Pierre-Marie Beaude (dans Dei Verbum, Bulletin de la Fédération biblique catholique, n° 3, 1987, p. 4-6), SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 98 (Décembre 1996), « De longs récits d’Évangile. Construction et lecture ». Encadré, p. 42.