La séquence chronologique ici retenue (moins 175 à moins 4 av. J.-C.) se divise en trois phases importantes pour la naissance du christianisme...

Trois étapes
La séquence chronologique ici retenue se divise en trois phases qui s’avèrent d’une extrême importance pour la naissance du christianisme. La preuve en est que l’ouvrage de G. Vermès et de ses collaborateurs, révisant le monument du savant juif, E. Schürer, qui écrivait au début du XXe siècle, se traduit ainsi : L’Histoire du Peuple Juif au siècle de Jésus Christ (175 avant notre ère à 135 de notre ère). Un autre Cahier envisagera les destinées de la Judée, après la mort d’Hérode. La tranche d’histoire ici retenue se divise en trois périodes.

La crise hellénistique
Il s’agit d’abord de la crise hellénistique, marquée par la figure des Maccabées (175 – 134). D’un côté, le désir d’une bourgeoisie judéenne de se désenclaver et d’entrer dans le concert de l’internationalisme hellénistique ; de l’autre, la résistance des couches juives modestes contre un cosmopolitisme risquant des dissoudre les valeurs religieuses propres à Israël. C’est ce camp que sauve l’insurrection maccabéenne. Le Monde antique méditerranéen conçoit comme une réalité indissociable le complexe culte - coutumes ethniques - constitution politique. On comprend dès lors que les Maccabées aient visé une indépen-dance nationale et, depuis Jonathan (152), se soient arrogé le souverain pontificat.

Les Asmonéens
Simon (143–134), le dernier survivant des frères Maccabées, obtiendra cette indépendance et aura réussi à fonder une dynastie, les grands prêtres asmonéens (134 – 37), qui prendront aussi le titre de roi. Entre les conflits internes – peut-on à la fois être pontife et roi ? – et la situation internationale, les Asmonéens réussiront à élargir l’État juif par des annexions territoriales non négligeables, sans pourtant réussir vraiment à l’implanter sur le Littoral méditerranéen et à s’assurer par là des débouchés portuaires. À la fin du 1er siècle, Flavius Josèphe fera encore allusion à cette situation expliquant pourquoi, selon lui, les Juifs sont peu connus dans l’histoire : " Nous n’habitons pas un pays maritime, nous ne nous plaisons pas au commerce, ni à la fréquentation des étrangers qui en résulte " (Contre Apion, I, 60).

Les Maccabées avaient freiné une hellénisation culturelle somme toute inéluctable. Les Asmonéens, eux, se conduisirent souvent en princes hellénistiques et provoquèrent par là des divisions profondes au sein de la population. D’autre part, ils eurent le tort et la naïveté de porter leurs différends familiaux devant les Romains qui, depuis 64, avec Pompée, avaient pris pied au Proche Orient. Ainsi creusèrent-ils leur propre tombe. Un homme tira profit de la situation : Antipater, un prince iduméen (du pays d’Édom), qui avait été conseiller des derniers Asmonéens et assuré l’ascension politique de ses fils, dont Hérode.

Hérode
Le long règne d’Hérode (37–4 avant notre ère), qui vit naître Jésus, est marqué par des turbulences sociales et familiales dues en particulier à la difficulté, pour un ci-devant " aventurier " et un " demi-Juif ", de se trouver une légitimité politique et religieuse aux yeux des Juifs. En fait, c’est comme ami et allié des Romains qu’il trouva son assise. Sa réelle habileté politique, son activité de bâtisseur et ses initiatives économiques firent de la Terre juive un État relativement prospère en harmonie avec l’Empire. Mais ces entreprises eurent pour prix un tel despotisme qu’à la mort du roi, nombre de Juifs souhaitent que l’Empereur casse le testament d’Hérode en faveur de ses fils survivants et que la nation juive passe sous l’autorité directe de Rome. Auguste, cependant, préfère respecter, en gros, les dernières volontés du défunt. C’est durant la vie de Jésus que la Judée-Samarie passera sous l’autorité de gouverneurs romains.

Un nouveau paysage
À partir de ce premier liminaire chronologique, quatre remarques peuvent orienter une lecture de cette période complexe.

1. La révolte des Maccabées a libéré le judaïsme du péril grec en permettant d’opérer un tri entre les valeurs religieuses d’Israël et les côtés bénéfiques de l’hellénisme, lesquels, jusqu’à des idées grecques, s’infiltreront dans la pensée juive et dans sa présentation de la Révélation mosaïque.

2. En même temps, peut-être depuis Jonathan Maccabée, cette période voit l’apparition du judaïsme " sectaire ", un judaïsme se répartissant en " sectes ", en écoles de pensée et de pratiques : pharisiens, sadducéens et esséniens, pour reprendre la classification, sans doute trop simple, établie par Flavius Josèphe. Ce monde polymorphe constituera l’horizon des débats de Jésus.

3. Si les esséniens et les baptistes semblent prendre distance par rapport au Temple de Jérusalem, ce dernier reste bien le centre visible de la religion d’Israël. La purification du Sanctuaire tombé aux mains de l’hellénisme fut le premier enjeu de la lutte des Maccabées et les longs travaux entrepris par Hérode pour embellir et agrandir l’édifice montrent que le souverain avait saisi l’importance de ce symbole et, à travers lui, du sacerdoce. Jésus manifestera son respect à l’égard du Lieu saint. Mais, en même temps, il reste à l’écart du cercle des grands prêtres.

4. Depuis les louvoiements de Jonathan Maccabée entre les factions séleucides rivales jusqu’aux incessantes tractations d’Hérode avec l’Empire romain, on découvre un judaïs-me s’accommodant de régimes politiques variés, pourvu que reste sauve une réelle autonomie, surtout en matière religieuse. Sous cet aspect, quand paraît Jésus, la division caricaturale que l’on établit trop souvent entre Juifs pro-romains, voire " collaborateurs ", et Juifs anti-romains projette là, de manière anachronique, le climat de l’Occupation de la France lors que le Seconde Guerre mondiale. La situation réelle est bien plus complexe.


© Claude Tassin, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 136 (juin 2006) "Histoire d'Israël : des Maccabées à Hérode le Grand",  p. 4-5.