Il y a plusieurs chemins pour introduire à l'intelligence des sacrements chrétiens. L'un de ces chemins consiste à relire de près les passages du Nouveau Testament se rapportant à ce sujet...

Il y a plusieurs chemins pour introduire à l'intelligence des sacrements chrétiens. La définition courante des anciens catéchismes partait de la pratique. Du moment que tous les chrétiens « pratiquaient » plus ou moins régulièrement les sacrements, il paraissait naturel de donner un sens à des gestes que tous connaissaient. Ils étaient des signes sensibles et efficaces que Jésus avait institués pour donner aux hommes sa grâce et sa vie.

Cette définition, parfaitement correcte, devait cependant manifester quelques insuffisances. Fondée sur des pratiques connues, elle risquait de donner prise au formalisme, à mesure que la pratique elle-même devenait simplement formelle : Pourquoi les sacrements ? - Parce que Jésus l'a dit.

Or une lecture plus attentive des évangiles montrait que l'argument « Jésus l'a dit » ne valait guère dans le cas du mariage ou du sacrement des malades, et qu'il fallait le comprendre en un sens très large pour l'ordre et la confirmation. On devait donc, si l'on tenait à la définition littérale, donner raison aux Réformateurs, et ne garder que deux sacrements, le baptême et l'eucharistie.

D'autre part, à lui seul, l'argument « Jésus l'a dit » gardait quelque chose d'arbitraire et de fragile : Jésus n'avait-il pas demandé de reproduire le lavement des pieds qui pourtant n'est pas un sacrement ? Pour approfondir des justifications trop simples, toute une série de travaux ont cherché à mettre en valeur d'une part les racines profondes des sacrements dans l'expérience communs de 1'humanité, et de l'autre l'originalité propre des sacrements chrétiens.

Le chemin que l'on propose ici ne prétend nullement exclure ces voies fécondes, ni même les compléter. Il s'attache seulement à mieux comprendre ce que la définition classique désignait par « instituer ». S'il ne s'agit que d'un décret à exécuter, le sacrement devient un geste extérieur dont il suffit de s'acquitter pour être en règle. Il s'agit en fait de tout autre chose, des gestes par lesquels le Christ mort et ressuscité « réunit les croyants dans son corps ». Cette formule de Vatican II (Lumen Gentium, 7) peut sembler banale. Elle énonce pourtant un point capital: les sacrements de l'Église sont des actes du Christ. Dès iors, un chemin s'ouvre à nous. Les actes du Christ dans l'Église ne sont pas différents de ceux qu'accomplissait Jésus durant sa vie terrestre. Pardonner les péchés, livrer son corps, envoyer ses apôtres en mission, ces aspects divers de son activité se retrouvent dans la variété des sacrements.

Assurément les différences sont visibles: dans les sacrements, le Christ agit à travers des intermédiaires, des « ministres ». Mais c'est toujours lui qui agit, et qui conduit la même action. L'institution ne devient pas pour autant un moment secondaire dans la réalité des sacrements. C'est l'équivalent de ce que fut pour Jésus la résurrection, de ce que fut pour les disciples la descente de l'Esprit Saint; c'est dans l'ordre du geste religieux la naissance de l'Eglise.

Du coup, puisqu'il s'agit de montrer le mouvement qui va des gestes de Jésus aux sacrements de l'Église, quatre étapes s'imposent naturellement :

- 1. La parole et les gestes de Jésus;

- 2. Le corps livré et ressuscité;

- 3. L Église naissante : premières expériences

- 4. Les gestes de l'Église.

 

© Jacques Guillet, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 57 (septembre 1986), « De Jésus aux sacrements », p. 7-8.