Daniel n'est pas dévoré par les lions. La leçon du récit est claire : Dieu protège ses fidèles.

La finale du ch. 5 évoque la prise de Babylone. Le roi « Darius le Mède » n'appartient pas à l'histoire réelle. Il sert ici de prête-nom à un récit dont Daniel est le véritable héros. Sa situation comme « grand vizir », accompagné de deux ministres adjoints, ne sert qu'à donner du relief à l'épreuve qu'il va subir. Les deux autres ministres et les satrapes de province, jaloux de lui, décident de le perdre pour un motif religieux (6 6), car Daniel n'adore pas les dieux du paganisme. Ils proposent donc au roi de se diviniser lui-même et d'obliger tout le monde à l'adorer pendant un mois, sous peine d'être jeté dans la fosse aux lions (6,7-10).

Naturellement, Daniel prie le vrai Dieu en se tournant vers Jérusalem, la ville sainte. Cette attitude est anachronique, car elle suppose qu'on est au moins au temps où le Temple a été reconstruit.

Mais sous Antiochus Epiphane elle est bien à sa place: elle fait allusion à la résistance spirituelle qui brave, à cette époque, le péril de mort. Daniel est donc surpris par ses ennemis qui le guettent (6,11-12) et il est dénoncé au roi qui ne peut contredire le décret porté par lui (6,13-16). Naturellement, cette faiblesse d'un roi autocrate qui ne peut sauver son ministre préféré, est invraisemblable au point de vue historique; elle n'a de sens que dans le récit didactique qui montre le roi pris au piège.

Le roi donne donc l'ordre de jeter Daniel dans la fosse aux lions, en espérant que son dieu le sauvera. Mais une fois la fosse scellée avec les cachets du roi et de ses dignitaires, le roi se met à jeûner dans sa chambre [6,17-19). Au petit matin il va voir si Dieu a sauvé Daniel (6,20-21). De fait, Daniel est vivant: un ange a fermé la gueule des lions (6 22-23). Daniel est donc tiré de a fosse et ses ennemis y sont jetés avec toutes leurs familles: ils sont aussitôt mis en pièces.

Le roi envoie alors à tous les gens de son royaume une lettre circulaire pour qu'on adore le Dieu de Daniel, dont il fait un éloge vibrant (6,26-28). La leçon du récit est identique à celle de l'histoire des trois jeunes gens dans la fournaise. Il ne s'agit cependant pas d'une figure de la résurrection, comme à propos de la fournaise de feu, mais d'une préservation de la mort que Dieu peut opérer pour ses fidèles. Ce récit est bien à sa place dans un temps de persécution comme message de réconfort. C'est pourquoi on le voit cité dans 1 M 2,60 et dans les apocryphes: 3 M 6,7 et 4 M 16,3.21. Il est devenu un exemple classique auquel fera allusion le Nouveau Testament (Hb 11,13-14 renvoie à Dn 3 et 6).

 

© Pierre Grelot, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 79 (Mars 1992), « Le livre de Daniel », p. 34-35.