Dans les psaumes, les mentions de la « face de Yhwh » ou « d’Élohim » sont fort nombreuses...

La « face de Dieu » dans les Psaumes
Dans les psaumes, les mentions de la « face de Yhwh » ou « d’Élohim » sont fort nombreuses. L’éloignement de la face de Dieu indique le sentiment de l’absence et d’abandon. Ainsi, dans le Ps 13,2, le psalmiste se plaint de ne plus voir la face de Dieu qui se cache : « Jusqu’à quand Seigneur, m’oublieras-tu toujours ? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face ? » (voir Ps 10,11 ; 22,25 ; 27,9 ; 30,8 ; 31,21 ; 44,25 ; 68,18 ; 88,15 ; 102,3 ; 104,29 ; 143,7). À l’inverse, dans le Ps 31,17, le psalmiste dit son espérance du salut qui peut surgir de la face de Dieu et de son rayonnement : « Fais briller ta face sur ton serviteur, sauve-moi par ta fidélité ! » (voir Ps 4,7 ; 44,4 ; 67,2 ; 84,4.8.20 ; 89,16 ; 119,135.). Il y a aussi la quête de ceux qui cherchent la face de Dieu, comme dans le Ps 27,8 : « Je pense à ta parole : “Cherchez ma face !”, Je cherche ta face, Seigneur » (voir Ps 24,6 ; 105,4).

L'idéologie royale

L’expression « face de Dieu » n’est pas seulement métaphorique et contemplative. « Voir la face » est une locution technique qui relève de l’idéologie royale du Proche-Orient ancien. « Voir la face du roi » signifiait être introduit devant le roi. Il en est de même pour la divinité. « Voir la face de Dieu » signifie être introduit dans le sanctuaire en présence de la statue divine. Une symbolique comparable existait dans l’Égypte ancienne qui connaît un rituel de révélation du visage du dieu. L’expression exprime le désir de voir la statue du dieu lors d’une procession. C’est sans doute cette signification première qui est derrière la théophanie espérée du Ps 17,15 : « Moi, et c’est justice, je verrai ta face ; au réveil, je me rassasierai de ton image. »

La métaphore de la délivrance
Voir la face de Yhwh, c’est voir le soleil se lever. Ce verset du Ps 17 met en valeur la solarisation de Yhwh, et reflète la possibilité pour les Israélites de contempler la statue de Yhwh. Or terme utilisé pour « image » est celui-là même utilisé dans l’interdit d’Ex 20,5 et Dt 5,8. Ps 17,15 serait donc en porte-à-faux vis-à-vis des Dix Paroles. Par la suite, dans le cadre d’une représentation monothéiste de Dieu, l’expression sera interprétée symboliquement comme une métaphore de la délivrance espérée (lire Nb 12,4 dans ce sens).

Un rituel ancien
On retrouve aussi dans les psaumes le rituel qui entourait l’entretien et le soin apporté à la statue divine. Les Ps 24,7-9 et 68,25 seraient la trace d’un élément important du culte la procession de la statue dont le principal motif était de permettre aux adorateurs de voir la statue de Yhwh (les Ps 47,6-9 ; 93 ; 95 ; 96-99 reflèteraient une parade de la statue lors de la fête de l’ascension de Yhwh sur son trône). L’alimentation de la statue est indispensable pour assurer la présence de la divinité dans le sanctuaire. La déposition de pains d’offrande est à comprendre comme un acte d’alimentation et le geste n’aurait guère de sens s’il n’y avait pas eu la pratique d’un culte avec statue (Ex 25,30 ; 35,13 ; 39,36 ; 40,23 ; 1R 7,48, Jr 52,33). L’origine de cette manière anthropomorphique de parler de Yhwh est à chercher dans le culte autour de sa statue dans le premier temple.


© Dany Nocquet, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 154 (décembre 2010), "Le Dieu unique et les autres - Esquisse de l'évolution religieuse de l'ancien Israël", p. 37-38.