Des textes antérieurs à l'installation des Israélites se réfèrent à une réalité politique et géographique cananéeenne.

Des textes antérieurs à l'installation des Israélites se réfèrent à une réalité politique et géographique cananéeenne. Ainsi, parmi les lettres de Tell el-Amarna (XIVe siècle avant notre ère), la lettre du Pharaon à Endaruta d'Akshaph : « Voici que le roi t'a envoyé Hanni, fils de Maïriya, le chef d'écurie du roi dans le pays de Kinahhu (= Canaan) et ce qu'il te dira, écoute-le très bien pour que le roi ne te trouve pas en faute » . Le pays de Canaan est alors formé de cités-États soumises à la suzeraineté égyptienne. L’autorité de l'Égypte est assurée par des représentants locaux et par des émissaires. Les Cananéens possèdent une langue qui n'est connue aujourd'hui que par les noms propres ou par des emprunts dans des textes akkadiens ou égyptiens, mais qui est apparentée à l'hébreu et au phénicien du début du premier millénaire avant notre ère.

La lecture du Pentateuque fait découvrir le personnage de Canaan dans la généalogie de Gn 10. Canaan est fils de Cham (cf. Gn 10,6). Le territoire attribué aux Cananéens est ensuite délimité au v. 19 : « De Sidon vers Guérar jusqu'à Gaza, vers Sodome et Gomorrhe, Adma et Cevoïm jusqu'à Lèsha » . Ces repères topographiques délimitent une aire assez large qui recouvre la zone côtière de la Phénicie jusqu'au pays des Philistins, et qui s'étend de la côte à la mer Morte. Les Cananéens figurent par ailleurs dans les listes de peuples précédant Israël en terre promise, et qu'Israël devra déposséder : cf. par exemple Gn 15,20 ; Ex 3,8.17 ; Dt 7,1 ... « Lorsque le Seigneur ton Dieu t'aura fait entrer dans le pays dont tu viens prendre possession, et qu'il aura chassé devant toi des nations nombreuses - le Hittite, le Guirgashite, l’Amorite, le Cananéen, le Périzzite, le Hivvite et le Jébusite... » (Dt 7,I). Les Cananéens sont, dans ces listes, un peuple parmi d'autres. Leur territoire géographique ne recouvre pas l'ensemble du pays promis.

Il en va également ainsi dans l'introduction du livre du Deutéronome, en Dt 1,7 : « Tournez-vous pour partir entrez dans la montagne des Amorites, et chez tous leurs voisins, dans la Araba, la Montagne, le Bas-Pays, le Néguev et sur la côte, dans le pays des Cananéens et au Liban » . Selon ce texte, le pays des Cananéens semble se limiter à la zone côtière et est opposé à la zone de collines de la Shéphéla, à la Montagne, et à la « Montagne des Amorites » dont la localisation est variable suivant les autres récits bibliques : située en Transjordanie selon Nb 21,13, mais s'étendant également en Cisjordanie selon Jos 5,1.

Cependant, l'expression « le pays de Canaan » peut également désigner, particulièrement dans les sections sacerdotales du Pentateuque, la terre promise dans sa globalité : ainsi dans la promesse d'Ex 6,4, dans le récit d'Ex 16,35 ou encore dans le récit d'exploration par des éclaireurs en Nb 13,17ss : « Moïse les envoya explorer le pays de Canaan » . Dans ce dernier texte, la relecture sacerdotale des traditions anciennes transforme un récit d'exploration de la région de Hébron (cf. v. 22) en une prise de possession symbolique de l'ensemble de la terre promise du Sud au Nord, « de Tsîn jusqu'à Rehov, près de Lebo- Hamath » (Nb 13,21).

Ici, la réalité visée devient théologique. Canaan ne correspond plus à une région géographique précise, mais à un pays dans sa globalité, en tant qu'il est destiné à un peuple particulier. Les frontières attribuées à ce pays sont des frontières « idéales » qu'Israël et Juda ont rarement ou jamais atteintes, au cours de leur histoire :

« Votre limite sud commencera au désert de Cîn et longera Edom. A l'est, votre frontière sud partira de l'extrémité de la mer du Sel. Puis votre frontière obliquera au sud de la montée des Aqrabbim et passera à Cin pour aboutir au sud de Qadesh-Barnéa, repartir vers Hatsar-Addar et passer à Atsmôn. D’Atsmôn, la frontière obliquera vers le torrent d'Égypte pour aboutir à la mer.

Pour la frontière ouest, la Grande Mer vous servira de frontière : telle sera votre frontière ouest.

Et voici quelle sera votre frontière nord: vous la marquerez depuis la Grande Mer jusqu'à Hor-la-montagne. De Hor-la-montagne, vous la marquerez jusqu'à Lebo-Hamath. La frontière aboutira à Cedâd, puis repartira vers Zifrôn pour aboutir à Hatsar-Einan. Telle sera votre frontière nord.

Pour votre frontière est, vous marquerez une ligne de Hatsar-Einân à Shefam. De Shefam, la frontière descendra sur Rivla, à l'est de Aïn, puis elle descendra jusqu'à buter contre les coteaux à l'est de la mer de Kinnereth. Enfin, elle descendra jusqu'au Jourdain pour aboutir à la mer du Sel »
(Nb 34,3-12).


© Olivier Artus, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 122 (décembre 2002), "La géographie de la Bible" (p. 55).