Dans le "Cantique des cantiques", il est question de l’homme, de Dieu et de leur relation, de l’amour humain et de l’amour divin, du couple et de l’alliance de Dieu avec Israël...

La lecture suivie du "Cantique des cantiques" situe ce livre au croisement de l’anthropologie et de la théologie. Il est question de l’homme, de Dieu et de leur relation, de l’amour humain et de l’amour divin, du couple et de l’alliance de Dieu avec Israël.

Littéralement, le Cantique célèbre l’amour humain, un amour beau, bon, désirable, fidèle, fondé sur une égalité entre les partenaires. C’est la raison pour laquelle la relation charnelle dépasse le couple. L’un et l’autre symbolisent, chacun pour leur part, un idéal de sagesse porté à son comble, que ce soit dans la figure de Dame Sagesse, personnification féminine, ou dans celle de Salomon, le roi sage par excellence. Cette interprétation ne contredit pas mais conduit à la lecture allégorique. Le Cantique parle de l’alliance entre Dieu et Israël dans la ligne du prophète Osée : le bien-aimé, identifié au Seigneur, s’adresse à sa bien-aimée Israël. À cet égard, les allusions à la géographie et à l’histoire servent l’allégorie : vigne, jardin, berger, chercher/trouver, formule d’alliance…

Il y a donc lieu de tenir compte de l’articulation entre ces niveaux de lecture : la beauté de l’amour humain (fondée sur la fidélité, l’unicité et l’égalité des partenaires) est une expression de la beauté et de la bonté de Dieu. L’amour charnel du couple se dit dans un langage qui reprend celui de l’amour divin. Les mêmes mots disent la vérité de l’alliance du couple en même temps qu’ils disent la fidélité de l’alliance divine. Le Cantique des cantiques révèle que, dans la Bible, le couple est la figure privilégiée d’une sagesse au sein de laquelle l’humain est capable, à partir d’une expérience (en l’occurrence l’expérience conjugale), de dire le divin et d’entrer en alliance avec lui.

Toutefois, dans le Cantique, il est surtout question du désir de relation. Le livre parle moins du mariage célébré que de l’union à venir, moins de la fécondité que de la recherche d’un amour authentique qui la rende possible. Le but de l’amour n’est pas l’enfant mais l’amour. Il a sa fin en lui-même. C’est la raison pour laquelle il est sans cesse en construction, toujours en quête de l’autre, dans un plus grand désir d’amour.

Cette recherche ininterrompue, un sage l’exprimera plus tard, dans le livre de la Sagesse de Salomon, à travers son désir de choisir pour lui-même la Sagesse et d’en faire la compagne de sa vie.


© Bertrand Pinçon, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 158 (décembre 2011), "Le couple dans l'Ancien Testament", p. 53-54)