L’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Acfeb) rassemble des chercheurs, des enseignants et des animateurs bibliques...

L’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Acfeb) rassemble des chercheurs, des enseignants et des animateurs bibliques. Elle est née en 1966. Son 26e Congrès, qui s’est déroulé à Angers autour de « Paul et son Seigneur, trajectoires christologiques des épîtres pauliniennes », a été l’occasion de fêter ses cinquante ans. Sur sa naissance, les Cahiers Évangile sont heureux de publier le témoignage de l’un de ses anciens présidents, témoin des origines.
Par le P. Édouard Cothenet
Professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris

(Voir la suite - le parcours de l’association de 1966 à 1995 - dans le Cahier Évangile n° 179, p. 58-68).


L’Acfeb n’est pas née en un jour. Laborieuse, sa gestation est à replacer dans le grand courant de renouveau qui a marqué, en France, l’après Seconde Guerre mondiale et, dans l’Église, la préparation et la tenue du concile Vatican II. Sur le plan doctrinal et pastoral, trois éléments ont préparé le Concile, non sans opposition de la Curie romaine et même de Pie XII : le mouvement liturgique, le renouveau patristique avec le lancement de la collection« Sources chrétiennes », la libération de l’exégèse catholique après l’encyclique Divino afflante Spiritu (1943). Selon une formule chère au pape François, « tout se tient ». Il me revient donc d’évoquer à grands traits les circonstances qui ont permis la fondation de l’Acfeb à la Pentecôte 1966[1].

De Divino afflante Spiritu (1943) à Dei Verbum (1965)

Au milieu de tensions

Après la répression de la crise moderniste au début du XXe siècle, la situation des exégètes s’était quelque peu améliorée sous les pontificats de Benoît XV (1914-1922) et de Pie XI (1922-1939). La Commission biblique pontificale, fondée en 1902, n’en restait pas moins rigide.

La Commission tenait fermement à ses positions sur le caractère historique de la Genèse, l’authenticité mosaïque du Pentateuque ou l’unité du rouleau d’Isaïe. C’est ainsi que M. Jules Touzard, prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice et professeur d’Ancien Testament à l’Institut catholique de Paris, reçut en 1927 un blâme du Saint-Office pour son article « Pentateuque » dans le Dictionnaire apologétique de la foi chrétienne. Le recteur, le cardinal Alfred Baudrillard, dut lui retirer sa chaire, ne lui laissant que l’enseignement de l’éthiopien.

En 1928, arriva à l’Institut catholique de Paris M. André Robert, lui aussi prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice. Avec son collègue Alphonse Tricot, il publia en 1939 une Initiation biblique qui ouvrait des perspectives sur l’exégèse critique. Lui-même tenait à expliquer la Bible par la Bible et insistait sur la variété des genres littéraires ; on lui doit ainsi l’article « Littéraires (Genres) » dans le Supplément au Dictionnaire de la Bible, tome V, colonnes 405-421 (1950). L’année même de la mort du P. Marie-Joseph Lagrange (1938), le cardinal Eugène Tisserant, grand orientaliste et bibliothécaire de la Vaticane, fut nommé à la tête de la Commission biblique.

Entre les professeurs d’Écriture sainte, dont un certain nombre étaient passés par l’École biblique de Jérusalem, le besoin se faisait sentir de se concerter, de s’épauler. Ainsi se tinrent des rencontres dans le Nord à partir de 1930, à Paris (1936), à Lyon (1937) et plus tard à Toulouse (1947), dans l’Ouest (1950) et l’Est (1952). De ces expériences, l’Acfeb tirera sa structure fédérative. Nous en reparlerons.

C’est au plus fort de la Seconde Guerre mondiale que Pie XII publia, le 30 septembre 1943, l’encyclique Divino afflante Spiritu. Pour l’histoire de l’exégèse catholique, c’est une date capitale. Alors séminariste, je fus frappé de la joie de M. Robert, si austère par ailleurs : il se sentait enfin libre d’écrire le résultat de ses recherches.

On ne pouvait connaître à cette époque les origines du document, à savoir la supplique de Jean Guitton à Pie XI : « Remarques sur la situation faite aux savants catholiques en France en ce qui concerne les études bibliques » (octobre 1936)[2]. Fervent disciple du P. Guillaume Pouget († 1933), Jean Guitton avait passé trois mois à Jérusalem et s’y était longuement entretenu avec le P. Lagrange. Nul doute que, dans sa supplique, il n’en épousât les thèses majeures, exposant avec clarté le bien-fondé de la méthode historique et plaidant pour une saine liberté des chercheurs, sinon l’Église se déconsidérerait auprès des intellectuels et, par ricochet, du peuple chrétien. Le texte parvint sur le bureau de Pie XI, déjà vieillissant et absorbé par la montée des dictatures en Europe. Mais les attaques d’un certain Dolindo Ruotolo contre l’Institut biblique pontifical amenèrent Pie XII à s’intéresser au texte de Guitton. Il confia la rédaction d’une encyclique au P. Jacques-Marie Vosté, o.p., secrétaire de la Commission biblique et ancien élève de l’École biblique de Jérusalem. Le vent était en train de tourner.

C’est au P. Vosté que l’on doit la lettre libératrice du 18 janvier 1948 au Cardinal Emmanuel Suhard sur le genre littéraire des onze premiers chapitres de la Genèse. Relevons cette déclaration : « Les réponses de la Commission biblique ne s’opposent nullement à un examen ultérieur vraiment scientifique de ces problèmes d’après les résultats acquis pendant les quarante dernières années ». Ce revirement se fait sentir dans la nouvelle édition de l’Enchiridion Biblicum (1954), comme dom Jacques Dupont l’a relevé dans la Revue biblique (1955, pp. 414-415).

Au lendemain de la guerre, on assista en France à un grand essor de la pastorale biblique et de l’exégèse savante. Le lien entre les deux dimensions caractérise le service de la Parole dans l’espace francophone, à la différence de l’exégèse académique cultivée dans les nombreuses facultés de théologie, protestantes et catholiques, en Allemagne. En même temps s’instaura une collaboration féconde avec le mouvement liturgique en plein développement grâce au Centre national de pastorale liturgique (CNPL) et à sa revue La Maison-Dieu. Après le concile Vatican II, des biblistes comme Claude Wiéner seront associés à la préparation des lectionnaires et à la traduction liturgique officielle.

Qu’il me soit permis de vous livrer quelques souvenirs personnels. Séminariste au séminaire des Carmes, j’ai suivi les cours de philosophie puis de théologie entre 1942 et 1949. Pour l’Ancien Testament, nous avons bénéficié de l’enseignement de M. Robert qui nous familiarisait avec les thèses de Hermann Gunkel et de Julius Wellhausen, non sans nous mettre en garde contre la philosophie sous-jacente. Le grec biblique était assuré par un fin grammairien, Émile Osty ; il centrait son cours sur la comparaison entre Luc et Marc, sa source, et ferraillait contre la traduction du P. Denis Buzy. Pour le Nouveau Testament, point n’était question de Rudolf Bultmann ni de la Formgeschichte ; nous devons à Pierre Benoit, de l’École biblique de Jérusalem, l’introduction de cette nouvelle méthode par ses articles dans la Revue biblique. L’auteur protestant français qui retenait notre attention était Oscar Cullmann dont la thèse Christ et le Temps sera publiée en 1947. Et comment ne pas rappeler avec émotion l’élargissement que nous apportait le P. Jean Daniélou, s.j., dans ses cours sur les origines chrétiennes ?

Quelques initiatives

Pour la période qui précède le concile Vatican II, je choisis quelques exemples significatifs du renouveau des études et de la pastorale bibliques.

▪ Il faut citer d’abord l’aventure de la Bible de Jérusalem, sous l’impulsion du P. Thomas-Georges Chifflot, o.p. (1908-1964)[3]. Tout a commencé par une lettre de ce dernier à ses frères dominicains de Jérusalem (5 mars 1945). Devant son projet, le P. Roland de Vaux se montra d’abord hésitant, craignant que l’École ne soit détournée de sa tâche de recherche. Puis, après son adhésion, répondirent avec enthousiasme trente-trois exégètes de France et de Belgique ainsi que des écrivains qui assureraient la qualité littéraire de la traduction. En quelques années (1948-1954) parurent quarante-trois fascicules. Des critiques, dont celles du P. Daniélou, se firent entendre contre la promotion du seul sens littéral et l’abandon du sens spirituel. Le succès ne s’en affirma pas moins. Après un travail d’unification, la Bible complète parut en 1956. Elle fut traduite en plusieurs langues, ce qui atteste le prestige de l’exégèse française à cette époque. On peut d’ailleurs considérer celle-ci comme l’âge d’or de l’École biblique, pleinement engagée par le P. de Vaux dans les fouilles de Qumrân et l’édition des manuscrits.

▪ Lors d’une réunion des biblistes lyonnais en janvier 1958, fut décidée, à l’instigation du P. Xavier Léon-Dufour, s.j., la formation d’un comité pour rédiger un Vocabulaire de théologie biblique. Soixante-dix collaborateurs répondirent à l’appel ; Xavier Léon-Dufour et Pierre Grelot se chargèrent d’une révision des articles pour l’homogénéité de l’ouvrage. Le « VTB » parut en 1962 aux éditions du Cerf et connut un immense succès en France et à l’étranger. Une deuxième édition, plus complète, vit le jour en 1970. Soit dit en passant, il serait intéressant de consulter les archives du groupe lyonnais, si actif.

▪ Ancien professeur d’Écriture sainte aux séminaires de Cambrai puis de Lille, le cardinal Achille Liénart ne s’est pas seulement distingué par son engagement social. Il avait à cœur d’assurer la diffusion de la Bible. C’est ainsi qu’il encouragea une édition bon marché, faite à partir des traductions de La Sainte Bible (neuf volumes dirigés par Louis Pirot et Albert Clamer). Cette Bible pastorale, dite « du cardinal Liénart », parut en 1950 avecun tirage de 52 000 exemplaires, sous le patronage de la Ligue catholique de l’Évangile. Une société spécifique (Sociep) assurait l’intendance financière. En ce qui me concerne, j’ai participé dans mon diocèse à la campagne de diffusion, alors que bien des gens croyaient encore naïvement qu’il était interdit aux catholiques de lire la Bible !

▪ À la même époque, la Ligue catholique de l’Évangile, fondée en 1891, connut un renouveau sous la direction du P. Gilles Gourbillon, o.p. († 1964). Il ne s’agissait plus seulement d’inviter à lire les évangiles, mais de fournir une introduction à toute la Bible. Ainsi naquit, en 1951, la première série des Cahiers Évangile dont le premier numéro était intitulé : « Comment lire la Bible ? »

▪ Les « Journées bibliquesde Louvain », sous la houlette de Mgr Joseph Coppens († 1981), travailleur infatigable et recenseur à la pointe acérée, regroupaient de nombreux exégètes de Belgique et de France. Lui-même participera fidèlement aux premiers congrès de l’Acfeb. On sait le rôle de premier plan que tinrent évêques et théologiens lovanistes au concile Vatican II. Pour le Nouveau Testament, Lucien Cerfaux († 1968) joua un rôle pionnier, invitant à l’étude de l’Évangile avant les évangiles et reconnaissant l’évolution théologique de Paul.

▪ À l’instigation du cardinal Liénart et sous la présidence de Mgr Louis Robin, évêque de Blois et président de la Ligue catholique de l’Évangile, se tint àParis, du 9 au 11 septembre 1953, un important congrès sur l’apostolat biblique. Des délégués étrangers y prirent part. Albert Gelin, professeur à Lyon, insista dans son bilan sur la nécessité d’améliorer l’enseignement dans les séminaires, sous peine de ne fournir aux laïcs qu’un « vernis biblique ».

▪ À la veille du Concile, la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice organisa àNantes, du 21 au 23 juillet 1961, un congrès sur l’apologétique. Pour sortir de l’impasse où menait une argumentation ignorant les caractères propres des témoignages évangéliques, on mit à l’honneur les thèses de Maurice Blondel : partir des données de la foi pour s’interroger si elle est raisonnable et répond aux aspirations de l’homme. C’est alors que le P. Henri Bouillard invita à abandonner l’apologétique traditionnelle pour la « théologie fondamentale ».

Aux approches du concile Vatican II

Cependant, l’horizon n’était pas encore pleinement dégagé, comme le montrent les tribulations du premier tome de l’Introduction à la Bible d’André Robert et André Feuillet (1957), en dépit du nihil obstat et de la préface de Mgr Jean-Julien Weber, archevêque de Strasbourg. Déféré au Saint-Office, dont le cardinal Giuseppe Pizzardo était préfet, l’ouvrage fut jugé inapte à servir de manuel dans les séminaires. La sentence parut trop bénigne à certains, puisque la Congrégation des séminaires et universités publia en italien le texte du Saint-Office en le durcissant ! On ne pouvait mettre le livre entre les mains des séminaristes « ni comme manuel, ni comme livre de consultation ». On exigeait des amendements. Du coup, le livre se vendit comme des petits pains : 10 000 exemplaires en quelques mois ! Une deuxième édition, légèrement retouchée, paraîtra en 1959[4].

À Rome même, on assista en 1961 à une campagne de l’Université du Latran contre l’Institut biblique pontifical. Les PP. Stanislas Lyonnet et Maximilian Zerwick, s.j., furent suspendus d’enseignement. Jean XXIII dut intervenir pour calmer le jeu. Dans le même temps, une instruction de la Commission biblique sur les évangiles manifestait une ouverture aux problèmes soulevés par la Formgeschichte (traduction française dans la Documentation catholique du 7 juin 1964, colonnes 711-718). Ce texte ne fut pas sans incidence sur la difficile élaboration de Dei Verbum.

L’intervention du cardinal Liénart, le 13 octobre 1962, détermina l’orientation du concile Vatican II. En refusant de voter immédiatement sur le schéma De fontibus revelationis et les listes toutes préparées pour les commissions conciliaires, le cardinal amenait les évêques à exercer leur rôle propre face à la Curie. Sur le débat qui s’ensuivit et l’élaboration de la constitution Dei Verbum, votée le 18 novembre 1965, les études ne manquent pas[5]. La recherche et la pastorale bibliques ont trouvé dans ce texte un souffle inspirateur. Déjà, la constitution sur la liturgie Sacrosanctum concilium (n° 51, 1963) enjoignait d’ouvrir plus largement au peuple de Dieu les trésors de l’Écriture. La question des rapports entre Tradition et Écriture étant réajustée (Dei Verbum, nos 9-10) et le travail entre exégètes des diverses confessions étant admis (n° 22), une page de la Contre-Réforme était tournée. Restait aux exégètes la tâche exaltante mais difficile de faire passer l’enseignement du Concile dans la vie du peuple chrétien.

L’assemblée constituante de l’Acfeb

Après avoir brossé un état des lieux, il nous faut revenir en arrière pour assister à la lente maturation du projet qui aboutit à la création de l’Acfeb.

Bien avant l’annonce du Concile par Jean XXIII, le cardinal Liénart, si soucieux de la pastorale biblique, chargea Mgr Louis Ferrand, ancien professeur d’Écriture sainte et archevêque de Tours, de susciter une réflexion en vue de constituer une association de biblistes (1959). Pierre Grelot fut le rapporteur de la commission. Le projet n’aboutit pas, parce que les exégètes consultés voulaient élargir le projet initial à la recherche biblique. Ce sera un point fondamental retenu pour la future charte de fondation.

En 1964, Mgr Ferrand relança le P. Grelot. Un long échange de lettres s’ensuivit sur la finalité d’une association, la localisation possible, la nécessité de disposer de fonds propres, d’éditer un bulletin. La Société éditrice de la Bible Liénart disposait d’un pactole appréciable et des négociations étaient à entrevoir. Suite à une rencontre tenue à Paris le 8 mars 1965, une circulaire fut adressée à tous les exégètes français – plus de 200 – en vue d’une rencontre à la Pentecôte 1966 au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Les réponses furent nombreuses, toutes favorables au projet. 69 biblistes participèrent au congrès et 85 avaient envoyé leurs pouvoirs, sans compter quelques retardataires.

L’assemblée constituante fut rondement menée sous la présidence de M. Henri Cazelles, prêtre de Saint-Sulpice et professeur d’Ancien Testament à l’Institut catholique de Paris. Elle aboutit au vote de la charte de fondation (voir encadré) et des statuts. Un règlement ad experimentum pour trois ans fut aussi adopté. À titre provisoire, le siège en fut fixé à l’Institut catholique de Paris ; le provisoire dure encore !

Les termes de la charte ont été longuement pesés. L’enracinement ecclésial est fortement souligné avec le renvoi à la constitution conciliaire Dei Verbum (à laquelle on ajoutera, en 1977, le décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio). On relève la volonté d’établir un lien organique avec l’épiscopat de France qui lui-même était demandeur. Il ne s’agissait pas seulement de répondre à des consultations éventuelles, mais surtout de contribuer à promouvoir la recherche biblique afin que l’étude scientifique de la Bible prenne sa juste place et remplisse sa fonction dans la mission pastorale de l’Église.

Les statuts le précisent bien au numéro 3 : l’association n’est pas un organisme officiel de l’Église catholique en France mais, par sa structure nationale, elle vise à établir une liaison organique entre le corps professionnel des biblistes, à tous ses échelons, et les autorités de cette Église.

Au titre III, la charte déclare que les biblistes non catholiques seront accueillis aux mêmes conditions que leurs collègues catholiques, à savoir l’acceptation de leur candidature par l’Assemblée générale[6]. Qu’il me soit permis de rappeler le souvenir du pasteur Maurice Carrez, un ami si chaleureux, si fidèle à toutes les manifestations de l’Acfeb.

Membres actifs et membres associés.

Dès le départ, on prévoyait la distinction entre les « membres actifs », pleinement engagés dans le travail biblique, et les « membres associés », reconnus pour leur engagement pastoral en la matière. Il revenait aux régions d’accepter les candidatures. La question des critères d’admission reviendra par la suite, d’autant que le nombre des associés ne cessera d’augmenter. Seuls les membres actifs ont droit de vote.

Le rôle des régions.

L’Acfeb n’aurait pu être constituée sans l’expérience déjà ancienne des rencontres régionales. La charte le reconnaît explicitement au numéro VI : « 1. L’Acfeb comporte des sections régionales qui s’organisent librement pour réaliser sur le plan local les buts de l’association ; 2. L’Acfeb doit sa fondation aux groupes régionaux qui existaient avant elle autour des facultés de théologie catholique à Angers, Lille, Lyon, Paris, Strasbourg et Toulouse ; elle les regarde désormais comme des sections régionales qui, tout en gardant leurs usages propres, se conforment à la charte, aux statuts et au règlement de l’association. »

La charte prévoyait la possibilité d’une « division éventuelle des groupes fondateurs ». Le cas ne s’est présenté qu’une fois lorsque fut constitué, à partir de Toulouse, le groupe Midi – Côte d’Azur (dénommé par la suite Acfeb – Méditerranée) avec Montpellier comme centre, en raison de sa faculté de théologie protestante.

Élection du bureau.

Le bureau fut ainsi constitué : Henri Cazelles, président ; Xavier Léon-Dufour, vice-président ; Pierre Grelot, secrétaire ; Paul-Marie Guillaume, trésorier. Trois assesseurs : M. Antoine Ridouard (Poitiers) pour les prêtres, Mme Annie Jaubert pour les laïcs et un membre désigné par l’épiscopat, le P. Pierre Benoit (Jérusalem). Le Bureau des études doctrinales aurait à désigner un évêque. À ce stade de notre exposé, soulignons le travail exemplaire accompli par le P. Grelot, ne disposant d’autre secrétaire que lui-même pour une abondante correspondance.

Un incident vint troubler la sérénité de cette assemblée de Pentecôte. Farouchement opposé à la nouvelle traduction du Pater : « Ne nous soumets pas à la tentation », le P. Jean Carmignac, bien connu par ses recherches sur les textes de Qumrân, avait fait circuler une pétition pour demander le rejet de la formule. Une trentaine d’exégètes l’avaient signée. M. Cazelles dut stopper l’initiative en déclarant que l’association travaillerait avec le CNPL. Bien des signataires se désisteront, mais l’affaire n’en rebondit pas moins, car le P. Carmignac transmit la pétition aux évêques. Le bureau de l’Acfeb dut mettre les points sur les « i » par un communiqué daté du 3 octobre.

Conclusion.

En conclusion de cette présentation du jour « J » de la fondation, relevons quelques caractéristiques des documents fondateurs.

C’est d’abord la volonté, dans l’esprit de Dei Verbum, d’associer étroitement la recherche exégétique, la théologie et la pastorale. L’Acfeb se démarquait ainsi de sociétés savantes comme la Societas Novi Testamentiet d’associations à but directement pastoral comme la Ligue catholique de l’Évangile.

En s’affichant comme catholique, l’Acfeb ne perdait nullement de vue l’importance de la collaboration œcuménique. Dès le point de départ, l’association comptera des membres protestants très actifs, comme le pasteur Carrez. Ils seront toujours nombreux dans nos congrès et y feront des conférences appréciées. Par ailleurs, le grand projet de la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) allait multiplier les occasions detravailler ensemble.

Heureuse de compter parmi ses membres des amis belges, suisses et canadiens, l’association s’est définie comme française et non francophone, et cela en raison de ses liens avec la Conférence épiscopale française. Le souci des collègues d’outre-mer n’en fut pas moins bien affirmé. Prêtre des Missions étrangères de Paris, Michel Trimaille s’en chargera par la suite.

 

© Edouard Cothenet, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 178 (décembre 2016), « La miséricorde dans la Bible », p. 54-61.


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* Conférence donnée à Angers le 29 août 2016. En-dehors du P. Cothenet, nous remercions le P. Jean-Noël Aletti, s.j., actuel président de l’Acfeb, et le P. Christophe Raimbault, organisateur du congrès, de nous autoriser à en publier le texte en avant-première.

[1] Outre des souvenirs personnels, je m’appuie sur l’imposant volume de François Laplanche, La crise de l’origine. La science catholique des évangiles et l’histoire au XXe, Albin-Michel, 2006, et le récit très vivant de Pierre Grelot, Combats pour la Bible en Église, Éditions du Cerf, 1994. Voir aussi Joseph Trinquet, « Le mouvement biblique », dans Claude Savart et Jean-Noël Aletti (dir.), Le monde contemporain et la Bible, Beauchesne, « La Bible de tous les temps », tome VIII, 1985, pp. 299-318.

[2] Voir Bernard Montagnes, Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Éditions du Cerf, 2004, pp. 492ss. Larges extraits aussi dans François Laplanche, op. cit., pp. 314-317.

[3] Historique par François Refoulé dans Pierre-Maurice Bogaert (dir.), Les Bibles en français. Histoire illustrée du Moyen Âge à nos jours, Brepols, 1991, pp. 219-223.

[4] Sur ces tribulations, lire le récit circonstancié de Pierre Grelot, op. cit., pp. 164-169.

[5] Voir John William O’Malley, L’événement Vatican II, traduction française, Lessius, 2011, pp.196-210. Cf. aussi Carlo-Maria Martini, « La place centrale de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église et l’animation biblique de la pastorale », Esprit et Vie, n° 254, 2012, pp.22-29 (voir bible-service.net/extranet/current/pages/1616.html) ou Jean-Michel Poffet, o.p., « En relisant Dei Verbum » dans « Interpréter les Écritures. Actes du colloque pastoral Dei Verbum », Cahiers Évangile, n° 175, 2016, pp. 9-18.

[6] Le texte de 1977 précise : « Le caractère confessionnel de l’association, inscrit dans sa dénomination juridique, ne fait pas obstacle à l’accueil des biblistes non catholiques qui désirent participer à ses activités. »